I. Résumé
Le présent rapport porte sur les abus des droits de l'homme commis par des éléments armés, principalement les ex-Seleka/FPRC et MPC, durant les attaques contre des civils et des objectifs civils à plusieurs endroits de Kaga Bandoro (préfecture de la Nana Grebizi) du 12 au 13 octobre 2016. Les informations fournies sont basées sur les résultats des missions de surveillance des droits de l'homme conduites sur le terrain par la Division des droits de l'homme (DDH) du 12 au 15 Octobre.
Depuis le mois d’août, la tension s’est exacerbée entre les éléments ex-Séléka et les Anti-Balaka. La méfiance entre ces deux groupes a conduit les Anti-Balaka à se regrouper à Ndomété, en septembre. Les 16 et 17 septembre, les affrontements qui ont éclaté entre les ex-Séléka et les Anti-Balaka ont causé la mort de quatre personnes et le déplacement d’environ 3.200 civils. La MINUSCA a pris les mesures adéquates pour protéger les civils et établir une « zone sans arme » dans la ville et ses environs.
Le 12 octobre, le corps d'un musulman a été découvert dans le quartier des Travaux Publics. Les forces de la MINUSCA qui se sont rendues sur les lieux pour y mener des vérifications en ont été empêchées par un groupe d'éléments armés présumés être un mélange d’éléments ex-Séléka et de jeunes hommes appartenant à la communauté musulmane. Ces éléments armés ont récupéré le corps de la victime qu’ils ont transporté en direction du pont principal de Kaga Bandoro. Plus tard, les éléments armés musulmans et les ex-Séléka sont sortis de différents quartiers pour se diriger vers le camp des personnes déplacées internes (PDIs) de l’Evêché et la Préfecture. Ils se sont affrontés aux Anti-Balaka et aux Forces de la MINUSCA.
A l’issue de missions d’enquête conduites du 12 au 15 Octobre, la MINUSCA est en mesure de confirmer la mort de 37 civils, dont quatre femmes, deux garçons, une fille et un bébé de sexe inconnu. L’analyse de documents médicaux provenant de l’hôpital de la MINUSCA, de l'hôpital général préfectoral et d’hôpitaux à Bangui a permis de confirmer des blessures faites à 60 civils, dont 22 femmes et quatre enfants (trois filles et un garçon). La MINUSCA a également reçu des allégations de dix cas de viols commis par des éléments ex-Séléka. Des images satellitaires prises avant et après les incidents ont permis de confirmer le pillage et l'incendie d'au moins 400 huttes, 130 maisons dans la ville de Kaga Bandoro et 21 autres maisons sur l’axe Kaga Bandoro-Mboto. Plus de 10.000 civils se sont déplacés et ont besoin d’assistance humanitaire.
Suite à cet incident, la MINUSCA a assuré la protection des personnes déplacées qui ont trouvé refuge près de sa base et à qui elle continue de fournir une assistance humanitaire, notamment en soins de santé, nourriture et eau. Le commandement des différents groupes armés, en l’occurrence ceux des ex-Séléka du Mouvement Patriotique pour la Centrafrique (MPC) et du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), ont pris des mesures en vue de contenir leurs éléments.
La MINUSCA a identifié trois catégories d’auteurs présumés, à savoir les ex-Séléka, particulièrement ceux des factions MPC et FPRC (ci-après désignés dans le présent rapport « ex-Seleka), des jeunes armés de la communauté musulmane et les Anti-Balaka. Bien que les victimes et les témoins attribuent la responsabilité d’un certain nombre de meurtres, blessures volontaires, pillage et incendies volontaires aux ex-Seleka, le représentant de la société civile les attribue aux membres du groupe d’auto-défense de la communauté musulmane. Ce rapport reflétera la responsabilité de groupe, ainsi qu’il ressort des témoignages des victimes et témoins, étant entendu que des enquêtes complémentaires devront être menées à l’effet d’établir la responsabilité personnelle des auteurs présumés, avec un certain degré de certitude juridique.
La MINUSCA recommande au gouvernement de soutenir d’urgence la lutte contre l'impunité des abus graves des droits de l'homme, commis récemment et dans le passé à Kaga Bandoro, tout en veillant à la conclusion rapide des enquêtes et à l’ouverture de poursuites dans les meilleurs délais. Le gouvernement devrait accorder la priorité au déploiement des fonctionnaires à Kaga Bandoro, y compris des magistrats, afin de restaurer l'autorité de l'État et la primauté du droit. Le gouvernement devrait prioriser un dialogue national inclusif à tous les niveaux ainsi que la cohésion sociale entre les communautés chrétiennes et musulmanes. Les acteurs internationaux devraient soutenir le retour des ONG humanitaires qui ont quitté la zone des incidents, afin d’apporter une réponse humanitaire aux déplacés et trouver de concert, une solution à la présence des groupes armés dans les sites abritant les déplacés internes.