Résumé
La sécheresse frappe depuis trois ans les activités de production agricole et les ménages vivant de l´agriculture. L´ESASU a été réalisée en décembre 2015 en vue d´appréhender la situation alimentaire des ménages dans les zones classées en phase d´insécurité alimentaire crise ou stress selon la classification IPC ainsi que leur vulnérabilité. Elle confirme que, pour 60% des ménages, la sécheresse a été le choc majeur subi au cours de l´année écoulée entre décembre 2014 et décembre 2015.
L´analyse des principaux indicateurs relatifs à la consommation alimentaire révèle que seule la moitié des ménages a une consommation acceptable, que des risques très importants en matière de nutrition existent en raison d´une consommation largement insuffisante d´aliments riches en fer et en vitamine A. De plus, les stratégies de réponse alimentaires au manque de nourriture – qui déterminent ce qui est consommé et déclaré comme tel – sont loin d´être négligeables, en particulier chez les ménages à consommation alimentaire pauvres, les agriculteurs et dans les zones de littoral sec du Nord-Ouest et de l´Artibonite.
En plus d´une situation alimentaire problématique au moment de l´enquête, la vulnérabilité des ménages est importante. Les capacités de réponse sont limitées pour ce qui est d´un choc supplémentaire sur les prix. Et les stratégies de réponse non alimentaires déjà mises en place obèrent les capacités de réponse à un choc futur. En effet, pour les trois quarts des ménages, la part des dépenses alimentaires dans les dépenses totales est supérieure ou égale à 50%, ce qui laisse peu de marges pour des ménages avec des régimes alimentaires à la limite de l´acceptable. En outre, plus de la moitié des ménages ont déjà déployé des stratégies dites de crise (32%) et d´urgence (24%) tout en ayant un indice de stratégies de réponse alimentaire (CIS-réduit) révélateur d´une gestion problématique de leur situation alimentaire.
L´incidence de l´insécurité alimentaire, comme situation résultant des profils de consommation alimentaire et des degrés de vulnérabilité appréhendés par les stratégies de réponse aux chocs futurs, est élevée dans les communes couvertes par l´ESASU 2015.
Elle touche en effet près d´un ménage sur deux.L´estimation de la population totale en situation d´insécurité alimentaire réalisée par le PAM, la CNSA et les Partenaires sur la base des résultats de l´ESASU 2015 et d´hypothèses relatives aux communes non couvertes par l´ESASU 2015 s´élève à 3,6 millions de personnes dont 1,5 millions en situation sévère.
Les deux principaux besoins identifiés par les ménages sont en premier lieu le besoin en nourriture (55% des ménages) et en second lieu le besoin de constituer ou de reconstituer les stocks de semences pour l´investissement dans les prochaines campagnes agricoles.
Dans la perspective de politiques publiques en réponse à cette situation, l´appui au pouvoir d´achat des ménages (à l´aide de transferts monétaires) est prioritaire pour le court terme de même que la distribution d´aliments riches en nutriments, de préférence une distribution non ciblée (dans un premier temps) dans les communes où l´incidence de l´insécurité alimentaire est particulièrement élevée.
Il faut très vite envisager pour le moyen terme un renforcement des capacités de réponse des ménages qui fonctionnerait également comme une opportunité de diversification des options et donc comme un mécanisme de dilution des risques. La reconstitution des cheptels et le développement d´activités d´élevage serait à envisager. Sur le moyen et le long terme, l´appui aux agriculteurs doit viser la réduction de l´exposition aux risques des aléas climatiques en articulation avec une augmentation de la production et de la productivité.